Les tombes ont-elles le wifi

Traduction à l’arrache des trois premiers poèmes du recueil de Kristie Shoemaker paru en 2017 aux éditions Ghost City Press.

drama queen

je ne veux pas mourir mais je veux ne plus exister comme je suis
je veux que tous les mots que j’ai dits soient remplacés par des cartes de visites moisies de 1987

je veux que toutes les photos de moi soient remplacées par un morceau de fruit qui a commencé à pourrir
je parie que tu le mangerais quand même
je m’enfuis dans le jus qui goûte depuis ton menton

rédiger mon éloge funèbre en ketchup sur les murs de la cuisine
tu penseras que c’est du sang et je le lècherai pendant que tu regardes

j’ai l’air d’en faire des caisses
vas-y traite-moi de drama queen
je suis la reine pour te botter le cul d’ici à jupiter

tu ne peux pas respirer dans l’espace mais au moins tout sera calme
en dos crawlé dans le cosmos pour exhiber ton corps de nageur

je n’ai pas besoin d’un téléscope pour voir que je suis amoureuse
d’une étoile qui s’est éteinte depuis des milliers d’années
une nuit je regarderai vers le ciel et je pleurerai parce qu’elle aura disparu

j’ai des bleus en formes d’animaux sur les jambes qui se réveillent quand on les touche
j’ai un zoo sous mes vêtements mais il est fermé pour l’hiver

je veux être tout ce que je ne suis pas et tout ce que je ne peux pas être

le seul remède aux mots de ventre est la teen pop des années 2000

à chaque fois que je tords mon ventre de douleur —
la tête plongée au fond des toilettes, ou d’une poubelle, ou sortie par la fenêtre
tu me frottes le dos et cites arrested development et me dis que c’est “notre nausée”

notre nausée
est-ce que ton estomac te fait vraiment mal ou est-ce que tu es juste un menteur compulsif

la prochaine fois que tu diras “notre nausée” je t’emmènerai chez le médecin je m’en fous si je transpire, marchant à quatre pattes jusqu’à ce que mes mains et mes genoux saignent
m’arrêtant toutes les cinq minutes pour souffler et vomir au pied d’un arbre isolé
bizarrement
sorti du bitume

s’ils ne peuvent pas confirmer que tu es vraiment en souffrance au bout d’examens épuisants et de questionnaires
débiles
j’appuierai sur le bouton lecture du petit radiocassette que secrètement
je trimballe dans mon soutien-gorge
et leave (get out) de jojo hurlera depuis ma poitrine

joyeux 50ème putain d’anniversaire kurt

je n’ai faim de rien sinon de ton affection
une nourriture qui passe par le toucher et l’attention
mais il y a une pénurie de sentiments réciproques

il y a une vieille torpeur qui remplit la pièce elle est à la fois pesante et aigre

bientôt je serai aussi fine que la feuille de papier
que je suis trop fatiguée pour jeter sur le sol affreusement romantique et poétique, personne ne me fait rire

le papier dit : tu ne vois que ce que tu veux voir
mais qu’en est-il de ce que tu dois voir

la balle en deux dimensions a quitté mon terrain
tu connais déjà la carte de mon corps
les veines cachées ne sont plus transparentes
après m’être noyée avec enthousiasme dans une eau à température ambiante

une eau qui est devenue le sanctuaire d’une mouche morte
je suppose qu’on avait toutes les deux aussi soif

il y a des lignes estompées mais parfaitement diagonales à tracer si ça ne te fait pas peur
ce sont les seules choses que j’ai de parfaites je suis un livre ouvert sans mon consentement

mais personne ne semble comprendre
qu’il est difficile de voir la vérité
quand ta tête est tournée du mauvais côté

me laisser me déshabiller dans un réconfort silencieux
à ne pas confondre avec un silence réconfortant
parce que je peux entendre chaque soupir et chaque bouffée d’air remplie de poussière

et on ne pourra jamais faire comme si ça n’existait pas
peu importe à quel point on essaie tous les deux