Il n’y a rien de meilleur au monde que le goût de l’eau à 3 h 49 du matin

Il n’y a rien de meilleur au monde que le goût de l’eau à 3 h 49 du matin.
Il n’y a rien de meilleur,
Cherche pas, rien de meilleur je te dis.

Pas la peine de se creuser là-dessus. C’est carré, c’est comme ça. C’est genre tu peux pas t’y opposer : comme si je te disais que là, pendant tout ce temps, t’as respiré tu vois. Ben c’est ce genre d’évidence, c’est comme ça.

Il n’y a rien de meilleur que le goût de cette eau sur la langue quand elle s’est gonflée de chaleur et que la bouche est sèche et pâteuse de s’être collée contre le radiateur qui chauffe à fond.

Quelle drôle d’idée ne n’avoir pas changé d’un poil le thermostat,
à croire que tu te sois dit que l’hiver durera encore quelques années dis donc.
Peut-être que c’est ça que tu te dis
et peut-être que tu as raison.

Mais dans ce cas pourquoi que t’ouvres tes fenêtres pendant des ploooombes le matin et le soir ?
Pourquoi que t’aères comme ça ?
C’est bien que t’as trop chaud ?
On n’est pas là pour chauffer les petits oiseaux ?
Non ?

De toutes les façons, pour ce qu’on en en voit de tes petits oiseaux…
Non
Non, je disais : il y a plus de petits oiseaux.
Ben oui
Y’en a plus depuis un bout de temps d’ailleurs, j’dis ça j’dis rien.

Les gros matous du quartier les ont bouffés tes petits oiseaux.
Ça leur apprendra.
Et que je fiufiufiu, et que je kikikikikiki, et que tirilitiiitiriliti.
Olala !
Ça va deux secondes, faut pas non plus déconner.
Moi aussi je te fiufiufiuf kikikikikiki et tirilitirilitirili, à ce compte-là
mets moi des plumes et puis des ailes
oublie pas de me retirer une bonne partie de mes kilos.

Moi aussi je me la péterais à tourner et tournicoter dans les airs.

Les chats ça ils ne doivent pas le supporter, sinon ils ne passeraient pas le plus clair de leur temps à essayer de chopper les oiseaux.

Sauf qu’à force d’essayer, on finit toujours par rater ou réussir… Et ben du coup les chats les ont bouffés…

Maintenant ils font les keks à se dorer la fourrure et à se vautrer des tétines au trou de balle sur les grosses dalles de granits qui servent de pierre tombale au jardin.
Tu les regardes quand t’ouvres tes fenêtres pour faire entrer un peu du frais
et quand tu les regardes tu te rappelles qu’avant eux il y avait les oiseaux.
Ça donne envie de leur faire manger du gravier,
ou du galet,
ou du rocher même,
pourquoi pas.
Ça donne envie de défendre ceux qui n’auront pas pu le faire eux-mêmes.

Il n’y a plus d’oiseaux dans le jardin,
il n’y a plus de jardin,
il n’y a plus de chants,
il n’y a plus de saisons.

Quand tu te lèves la nuit pour aller boire de l’eau, tu butes sur le silence.